Il y a de plus en plus de débats, parfois contradictoires concernant les possibilités de « retrait de la nationalité française après naturalisation ou déclaration ». À la lumière des textes, je vous fais un petit récapitulatif de ce qu’il en est vraiment :
Tout d’abord, permettez-moi de vous signaler que la phase « pré-naturalisation- c’est-à-dire de la demande au décret ou à l’enregistrement » n’est jamais à négliger. Certains pensent qu’en omettant des informations ou en dissimulant un changement de situation, une fois la nationalité acquise, tout est terminé. Non, détrompez-vous. Des moyens légaux existent, et lorsqu’on a acquis la nationalité en dissimulant une information, ou un changement de situation importante, eh bien, on peut perdre cette nationalité. Pour information et selon les statistiques (Ministère de l’Intérieur), presque 400 signalements parviennent à la Sous-Direction d’Accès à la Nationalité Française (SDANF) par an. Ce qui est loin d’être négligeable. Au-delà, de ces signalements, des contrôles post-naturalisations peuvent éventuellement être effectués.
Voici les deux cas principaux prévus par la loi :
-
L’un concerne la déclaration de nationalité (naturalisation par mariage)
-
L’autre concerne la naturalisation par décret
Premier cas : prévu par l’article 26-4 du code civil : par mariage
« (…) Dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué, l’enregistrement peut être contesté par le ministère public si les conditions légales ne sont pas satisfaites.
L’enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l’enregistrement de la déclaration prévue à l’article 21-2 constitue une présomption de fraude ».
Il y a essentiellement deux cas : le premier concerne les conditions légales lors de la demande de naturalisation, le deuxième concerne les mensonges ou les fraudes. Concernant les fraudes, si le demandeur a menti ou produits des faux documents, la prescription est de dix ans. Une fois la fraude découverte, l’administration (l’Etat) a deux ans pour contester l’enregistrement de la nationalité française. Si l’anomalie concerne uniquement les conditions légales non remplies lors de la demande, et que l’Etat s’en rende compte, il peut contester dans les deux ans qui suivent l’enregistrement.
Deuxième cas : prévu par l’article 27-2 du code civil : par décret
« Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d’Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ».
Rapporter un décret de naturalisation, veut dire tout simplement l’annuler. Plusieurs faits peuvent ainsi être considérés comme caractéristiques de fraudes ou de mensonges. Nous avons eu plusieurs cas de figure ici même dans ce groupe. Et la littérature en la matière est extrêmement riche, puisque plusieurs personnes se sont retrouvées dans le pétrin pour ces faits. C’est très délicat, dans cette situation, si votre décret est rapporté, vous vous retrouvez à vous poser des questions du genre « ai-je droit à un titre de séjour ? », « que faire alors que tous les organismes me connaissent désormais comme français ou française ? ». Pour éviter de genre de déconvenues, il vaut mieux monter son dossier dans les règles de l’art, déclarer surtout les changements de situations.
Voici quelques cas pouvant constituer une fraude ou un mensonge :
-
Faux documents ou documents falsifiés
-
Ne pas déclarer un mariage pendant la procédure
-
Ne pas déclarer un enfant résidant à l’étranger
-
Ne pas déclarer un conjoint résidant à l’étranger
-
Avoir sa résidence principale à l’étranger et ses intérêts et les dissimuler à l’administration
-
Etc…
Je vous cite-là quelques exemples. En cas de fraude, la procédure de retrait de la nationalité peut intervenir dans les dix ans après l’acquisition de la nationalité. Dans ce cas, l’administration a alors deux ans pour engager la procédure, suivant la date de la découverte de la fraude. Enfin, pour information, la procédure a néanmoins été validée par le Conseil Constitutionnel, à la suite d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité.
C’est simplement pour expliquer le contexte et éviter les supputations sans fondements exprimées par certaines personnes du genre « ça n’existe pas », « c’est des bobards », « une fois acquis c’est terminé tu ne risques rien »…
Enfin, un retrait peut intervenir aussi dans l’année qui suit votre naturalisation. Il s’agit ici du non-respect des conditions prévues par la loi. Cela peut être par exemple, le défaut d’assimilation (on a eu le cas d’une femme qui est était avait refusé de serrer la main de participants masculins à la cérémonie de remise du décret de naturalisation).
Par Kevin Dubois